Sommeliers : pourquoi vous devez vous intéresser au café ?
Il s’agit selon nous du péché originel, et à vrai dire une des raisons pour lesquelles nous avons fondé Celsius : la possibilité dans certains jolis restaurants de vous présenter un véritable grimoire de plus de 500 références de vins et de vous décliner l’identité du chien de la belle-sœur du vigneron, et de finir le repas sur la triste mention « espresso » et de son prix, sans aucune idée de son pays d’origine et encore moins du caféiculteur.
Ça nous paraît toujours aussi insensé en écrivant ces lignes, mais c’est un cas que nous rencontrons encore fréquemment. Et voici même quelques verbatims particulièrement éloquents sur le manque d’émotions que le café suscite chez certains :
« Je n’ai pas de mauvais retours »
« Personne ne s’en plaint »
Transposons ces citations à la carte des vins et nous douterons de la satisfaction du sommelier. Se contenter de l’absence de mauvais retours est une pente glissante vers la médiocrité, et peut entacher la perfection du reste du repas et des boissons.
Raisons - n.f.
Voici en plusieurs points pourquoi, à notre sens, la sommellerie dans son ensemble doit s’intéresser au café, de spécialité a fortiori :

La note finale : permettons-nous l’analogie à la musique, quel qu’en soit le style. Si un morceau, une chanson ou encore un set vous plaît, et que vous trouvez les dernières mesures décevantes, vous allez malgré tout garder en tête ces dernières. Dans le cas du café, c’est d’autant plus vrai que le café industriel a cette fâcheuse tendance à laisser une très longue finale brûlée, et gâcher la finesse de l’ensemble de la prestation. Quel dommage de finir une bouteille de Coche-Dury pour ensuite avaler d’un trait un café industriel !

Une preuve de raffinement : le café étant le parent pauvre de la restauration, le fait de le sélectionner avec soin et d’y montrer de l’intérêt en dira long sur votre perfectionnisme. Cela vous permettra de vous démarquer subtilement, en ajoutant une dernière touche d’excellence.
Sans alcool : La tendance du sans alcool n’en est plus une et devient incontournable des repas, que ce soit le midi ou le soir. Mais soyons réalistes, la majorité des boissons revendiquées sans alcool manquent de panache et de complexité, sont parfois trop sucrées ou constituent des ersatz des boissons alcoolisées classiques. Ne soyez donc pas surpris qu’on vous commande une carafe d’eau pour accompagner le repas. Il existe des accords fabuleux avec le café, si on prend la peine de s’y intéresser. Cela passe surtout par du café d’exception en méthode filtre, ce qui implique un personnel formé et sensible au sujet. Encore niches, ces accords sont travaillés au Crillon à Paris ou encore au Noma à Copenhague.

Clientèle internationale : nous sommes en retard. Nous faisons partie des pays qui ont compté dans l’histoire du café, tout comme l’Italie. Pourtant, probablement par ego, nous sommes comme l’Italie très en retard dans notre intérêt au café. Nous sommes raillés de la plupart des pays occidentaux pour notre goût pour le café « très brûlé » et « flotteux ». Ainsi, si en tant que sommelier vous avez souvent affaire à une clientèle internationale : américaine, australienne ou encore anglaise, il est possible qu’elle en sache beaucoup plus que vous sur le café. Alors si vous vous contentez de la mention « espresso » sur votre carte et d’un café industriel « dont personne ne se plaint », ne soyez pas surpris si vous ne parvenez pas à en vendre.
Étapes - n.f.

Alors, si ces mots trouvent résonance en vous, voici nos conseils pour montrer que vous prenez le café autant au sérieux que votre carte des vins :
1) Cherchez un torréfacteur de café de spécialité : reportez vous à notre définition pour comprendre de quoi nous parlons. Cela vous assurera une traçabilité et un niveau de qualité bien supérieur. Il pourra également vous aiguiller sur votre matériel.
2) Soyez prêts à le payer plus cher : le bon café à moins de 20€HT du kilogramme n’existe plus. Si vous souhaitez réellement vous assurer un approvisionnement durable de bonne qualité, comptez entre 25 et 30€HT du kilogramme
3) Soyez indépendants : et n’attendez-pas les mêmes cadeaux qu’avec un industriel. Il fut une époque pas si lointaine (voire encore un peu contemporaine) ou tout restaurateur comptait sur son torréfacteur industriel pour lui fournir gratuitement la machine à café, le moulin à café, les tasses, les sucres, les biscuits et encore l’entretien. Bien que gratuits en apparences, tous ces cadeaux sont bien entendu inclus dans le prix du café, et constituent un prêt bancaire déguisé. L’accent était mis sur tout sauf le café, avec des grandes marques rivalisant d’ingéniosité pour vous verrouiller et faire de vous des hommes sandwichs. Ne cédez pas au matériel offert aux couleurs de ces marques, à moins de vouloir réellement communiquer avec fierté sur votre choix de torréfacteur. Proposez votre vision du service et préférez parler du produit avec vos mots plutôt qu’avec un logo.
4) Soyez exigeants envers votre torréfacteur : le précédent point ne signifie pas ne rien attendre de votre torréfacteur. Celui-ci doit vous proposer le même matériel à la vente ou en location, et dans de rares cas des mises à disposition. Il doit ainsi réfléchir avec vous à la meilleure machine à café en fonction de votre débit, de votre place et de votre typologie d’établissement. Dans le cas où vous possédez déjà votre matériel, il doit être en mesure de vous le régler pour que ses cafés sortent de la meilleure des façons. Il doit aussi passer régulièrement pour s’assurer des bons réglages de votre matériel. C’est également à lui de veiller à la filtration de l’eau et de changer la cartouche filtrante régulièrement. Il doit également vous fournir un produit constant. C’est une critique régulièrement formulée de la part de restaurateurs vis-à-vis de torréfacteurs artisanaux : « la qualité est inconstante ». Le café étant un produit vivant et de saison, il est probable que votre torréfacteur ait à changer d’approvisionnement d’une année à l’autre. Mais il se doit de trouver des profils olfactifs similaires, ou à défaut de vous prévenir pour éventuellement faire des tests auprès de vous et votre clientèle.
5) Valorisez-le : vous avez choisi un café de qualité supérieure, vous n’avez aucune raison de le vendre au même prix que votre ancien café industriel. Sachez tout de même qu’une hausse de 10 centimes sur votre prix de vente vous permet d’amortir une hausse de 10€HT du kilogramme sur votre paquet de café sans incidence sur votre marge.
Exemple : Marcel propose son café industriel à 2,20€ TTC, qu’il achète 17€HT/kg. Il gagne 1,86€HT par café
Si Marcel passe à un beau café de spécialité à 27€HT/kg et qu’il passe son café à 2,30€TTC, il gagnera 1,87€HT par café soit même un peu plus.
Dans ce même registre de valorisation, précisez d’où vient votre café : la mention du torréfacteur est appréciable, ainsi que celle du café de spécialité (notamment pour les étrangers).
6) Connaissez votre produit : si vous proposez un beau café sans savoir en parler, vous avez dribblé toute la défense et tiré sur le poteau. Demandez un maximum d’informations à votre torréfacteur, et encore mieux, assistez à une torréfaction. Imaginez-vous dire au client « nous avons en ce moment un bourbon rouge lavé du Rwanda de Bernard Uwitije, torréfié de façon claire par Celsius Roasters à Lyon », ça en jette non ? Même si le client ne comprend pas tout, cela démontre votre expertise jusqu'au bout de la carte.
7) Pas de carte de cafés : en parlant de carte, c'est un rêve que l’on entend souvent de la bouche de passionnés de vin comme nous : proposer une carte des cafés. Malheureusement nous le déconseillons formellement, car il faudrait s’équiper de plusieurs moulins à café qu’il faudrait régler tous les matins. L’autre solution serait l’achat de capsules, mais que nous déconseillons fortement. Préférez le choix d’un très bon café bien réglé, quitte à changer plusieurs fois par an auprès de votre torréfacteur partenaire.
En conclusion, malgré un ton assez provocateur, nous sommes très optimistes quant au futur du café de spécialité en restauration française. Nous notons un nombre croissant de jeunes sommeliers et restaurateurs curieux du sujet. Comme souvent, la tendance s’est installée d’abord à Paris, puis se diffuse de manière progressive à l’ensemble de la France. Ce lien entre vin et café qui nous paraît évident est en cours de construction, et il y a fort à parier que la France rattrape rapidement son retard dans les prochaines années, désireuse de rayonner sur tout ce qui touche à la table et au goût des bonnes choses. En guise de preuve, le meilleur torréfacteur du monde 2025 est un Français.
Alors si, en tant que sommelier ou restaurateur, vous souhaitez développer une crédibilité si ce n’est une expertise, sentez-vous libres de nous écrire pour que nous vous indiquions la meilleure option, qu’elle soit chez nous ou des confrères.